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Le but de ce site est de faire connaître l’abbaye cistercienne appelée « L'ABBAYE ROYALE DE N0TRE-DAME-DE-VALSAUVE » située dans le département du Gard sur la commune de Verfeuil.


L'Abbaye royale de Notre Dame de VALSAUVE

Coordonnées géographiques

- Latitude : 44° 8' 32,1" ; décimale : 44,1422° Nord.
- Longitude : 4° 26' 51,2" ; décimale : 4,4476° Est.
- Altitude : 204 m (669 pieds)

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Partie I - Origine de Valsauve



Sommaire chronologique de l'étude

PARTIE I - Origine de Valsauve

VALSAUVE aujourd’hui
Avant l'arrivée des religieuses

X°/XI° Siècle - Emplacement de leurs habitations : Saint-Peyre, Valsauve.
Origine du nom de Valsauve

XII° Siècle - Donation faite par le roi de France Louis VI «le Gros». Année 1117.
Coexistence de religieux et de religieuses

XIII° Siècle
Disparition de la communauté religieuse d’hommes
Les donats.
Fondation du couvent des religieuses ; il suit la règle de Cîteaux.
Donation faite au couvent

valsauve
Bernardines aux moissons
PARTIE II - Histoire des Mères Supérieures à Valsauve

Année 1205. Supérieure du Convent Rainalde et Marie de Toulouse.
Année 1267. Supérieure du Convent. Cécile
Année 1279. Supérieure du Convent. Françoise
L’église de Valsauve sous la gouvernance de Françoise
Année 1308 Supérieure du Convent. Marie-Firmine

XIV° siècle
Sa translation à Bagnols, au XIV° siècle

PARTIE III - Histoire des Abbesses à Bagnols

Année 1342 Abbesse du Convent. Marguerite de la Baume
Année 1375 Abbesse du Convent. Béatrix de Pierre ou de La Pierre

Année 1432 Abbesse du couvent. Ricarde de Gaujac.

XV° Siècle – Historique du couvent des Angustrines
Année 1459 Abbesse du Convent. Jeanne Maurel
Année ? Abbesse du Convent. Jeanne d’lle
Année 1485 Abbesse du Convent. Catherine Maurel

Le XVI° siècle
Année 1513 Abbesse du Convent. Jeanne de Montdragon
XVI° siècle Valsauve est incendié et une partie de ses propriétés est vendue
Année 1524 Abbesse du Convent.Anne de Montdragon.
Construction d'une chapelle à Verfeuil
Aux ruines matérielles succède la ruine morale
Année 1537 Abbesse du Convent. Marguerite d’Albert.
Année 1566 Abbesse du Convent. Anne d’Albert.

Le XVII° siècle
Année 1601 Abbesse du Convent. Jeanne d’Audibert de Lussan.
Année 1605 Abbesse du Convent. Esther d'Audibert de Lussan.
Au milieu du XVII° siècle, une nouvelle union fut sur le point de s'opérer.
Année 1672 Abbesse du Convent. Marie d’Audibert de Lussan.

PARTIE IV - XVIII° siècle débute par un nouveau massacre à Valsauve

Année 1703. Acte de décès des ouvriers massacrés à Valsauve, par les protestants.
Année 1715 Abbesse du Convent. Monique de Cognos de Clèmes
Etat des charges, dettes et revenus de l’abbaye
Année 1761 Abbesse du Convent. N. Dupuy de Montbrun
Vie du couvent au XVIII° siècle
Année 1773 Abbesse du Convent. Thérèse Flore de Seguins Piegon.
Année 1790 Déclaration des biens, titres, revenus et charges de l’abbaye
Déclaration des biens mobiliers et immeubles, revenus et charges de l’abbaye de Bagnols, jadis à Valsauve.
Année 1790 Rapport officiel relatif à l’étendue et à la valeur de la propriété de Valsauve, situé sur la commune de Verfeuil.
Spoliation et expulsion.
Suppression du couvent.
L’abbaye des Bernardine de Valsauve à Bagnols aujourd’hui.



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Remarques liminaires et Bibliographie

Il existe peu de travaux imprimés sur l’histoire de cette abbaye.

Ce monastère eut pourtant jadis une certaine importance dans le diocèse d'Uzès. Son existence a été sept fois séculaire; à différentes époques, ses richesses et ses droits furent considérables; il posséda plusieurs vastes propriétés ; des fiefs relevèrent de sa juridiction, et son haut domaine s'étendit sur divers territoires. Ses supérieures, sorties des rangs de la noblesse, portaient le titre et les insignes d'abbesse, recevaient l'hommage des vassaux du couvent et occupaient, dans la société civile, aussi bien que dans l'Eglise, une situation distinguée, en rapport avec l'élévation de leur noble origine, et l'éminence de leur dignité religieuse.

Les sources principales qui ont permis ce travail sont l’encyclopédie Gallia Christiana du XVII° siècle rédigé, hélas, en latin, un article assez court, dans la nouvelle édition de l’Histoire générale du Languedoc (de Dom Claude Devic et Dom Joseph Vaisséte, 1730- 1745), une page dans les Mémoires de Nicolas Lamoignon De Bâville 1734, quelques lignes dans l'Histoire de Nîmes par Ménard 1756, et dans la Statistique du Gard, par Rivoire 1842. C'est bien peu pour un établissement monastique qui eut dans notre contrée, de si profondes racines et une vitalité si longue et si puissante.

Cependant, en 1884 M. l’abbé P de Laville a fait un travail remarquable de recherche de rédaction et de compilation de documents. Ce travail a été publié dans le Mémoire de l’Académie de Nîmes 1884 -1885 sous le titre : NOTICE HISTORIQUE L'ABBAYE ROYALE DE N0TRE-DAME-DE-VALSAUVE.

C’est principalement sur la base de cette notice qu’est rédigé le texte ci-après. La mise en page est différente, la rédaction respecte un ordre chronologique et non une disposition par thème comme l’original. Une grande partie du texte est repris tel quel et, est aussi complété et illustré. La dialectique et l’emphase de l’abbé de Laville a été conservé notamment lorsqu’il parle de ces « Sainte Femmes » qui ont habité ces lieux. De même, a été conservé le ton de pudeur et de retenue dont il fait preuve pour décrire les périodes troublées voire de débauches qui ont secoué le monastère à certaine époques.

Les sources documentaires seront citées au fur et à mesure qu’elles seront présentées. Les auteurs des photos seront indiqués sous chaque cliché.

Le Domaine de VALSAUVE commune de Verfeuil aujourd’hui.

Valsauve est aujourd'hui un vaste domaine situé dans le canton de Lussan, département du Gard. Il fait partie du territoire de la commune de Verfeuil et se trouve placé aux confins des communes de Saint- Marcel-de-Careiret, Saint-Laurent-de-la-Vernède et Fontarèche. Sa superficie initiale était d'environ 400 hectares en 1885. Il est géré en Groupement Foncier Agricole : GFA DE VALSAUVE, qui le loue pour une exploitation agricole et/ou pour une société de chasse privé.

Au point de vue de la configuration du sol, ce domaine se compose de deux parties bien distinctes : un vallon et des collines.

Le vallon court en s'inclinant de l'est à l'ouest et se replie, au milieu de sa course, vers le nord. Cette partie est cultivée et son terrain fertile donne d'abondantes récoltes notamment de céréale (blé, tournesol, maïs). L'olivier, le mûrier, autrefois la vigne, y prospéraient à merveille et s'y trouvaient plantés en grand nombre.

Des collines élevées, surmontées de larges plateaux, entourent presque de toute part ce riche vallon ; l'extrémité nord reste seule ouverte. Des bois touffus, d'essences diverses, couronnent ces collines, formées, au sud et à l'ouest, de roches néocomiennes ; ils s'étendent au loin et se confondent avec les forêts de Saint-Marcel, Saint-Laurent, Fontarèche et Verfeuil. Depuis toujours les sangliers y sont nombreux, dans ces bois où domine le chêne, producteur du gland. La tradition populaire rapporte que ce gros et gras gibier n'était pas, dans ces parages, le partage exclusif des châteaux ; il arrivait aussi parfois dans la chaumière et sur la table du paysan ; et tous, modeste roturier et puissant seigneur, le trouvaient délicieux et l’utilisaient d'une manière complète : ils se régalaient de sa chair dans leurs festins et employaient sa peau à faire leurs chaussures.

Au milieu du vallon s'élèvent des constructions diverses. Vers le centre, près des bords d'un ruisseau, se trouve une ferme d'exploitation ; elle est de date assez récente et n'offre rien de remarquable, ni dans l’ensemble, ni dans les détails.

Non loin de là, un peu sur la hauteur, mais toujours dans le vallon, se voit un massif de constructions considérables : les unes sont destinées aux divers services de la métairie; les autres constituent l'habitation des maîtres. Cette dernière partie est la plus vaste et la mieux bâtie ; l’ensemble forme un parallélogramme ; sa façade principale regarde le couchant et s'ouvre sur un jardin auquel ne manquent que la fraicheur et l’agrément de l’eau. Une partie de ce monument est moderne ; l'autre est ancienne ; la partie ancienne date du XII° et du XIV° siècle. Elle renferme la chapelle et l'habitation occasionnelle des religieuses qui possédèrent autrefois Valsauve; car Valsauve fut jadis un couvent ; mais depuis que les protestants les eurent chassées de cette demeure, au XVI° siècle, ces saintes filles vécurent retirées à Bagnols et ne se rendaient que rarement à Valsauve, encore n'y allaient-elles qu'en petit nombre et pour peu de temps.

Ce domaine est dans le domaine privé depuis 1790.

vue aerienne

Histoire du Monastère.


Avant l'arrivée des religieuses à Valsauve, des moines habitèrent cette solitude.

La fondation du couvent de Valsauve remonte incontestablement à une époque lointaine. La tradition locale rapporte qu'avant l'arrivée des religieuses sur ce point, des moines habitaient cette solitude ; elle indique même le lieu précis de leurs premières demeures.


X°/XI° Siècle - Emplacement de leurs habitations : Saint-Peyre, Valsauve.

En remontant le cours du Davègue, à travers les bois de Valsauve, on arrive, par des sentiers presque impossibles à parcourir, à un point extrêmement pittoresque. Au détour d'un pli de la forêt, se dresse en face, un gigantesque rocher taillé à pic. Un vallon sombre, étroit, profond, terminé par de hautes collines couvertes de bois, entoure ses pieds. Les oiseaux de proie, aigles et vautours, établissent leurs nids et fixent leurs demeures dans les anfractuosités de ses flancs nus, déchirés par la foudre et brunis par les tempêtes. À ses pieds, on aperçoit, cachés parmi des arbres et sous un tapis d'épaisses et vertes broussailles, les restes abandonnés d'une ancienne construction. C'est là qu'auraient primitivement passé leurs jours quelques héroïques chrétiens, la gloire des premiers siècles de l'Eglise, quittant les biens éphémères, le tumulte et les soucis du monde pour vivre et mourir dans la paix, la pauvreté et le silence du désert. D'autres, mus par les mêmes sentiments et attirés par l'exemple de leurs vertus, les auraient suivis et remplacés, nombreux, de génération en génération, surtout pendant la période des invasions barbares et des bouleversements politiques de la contrée, jusque vers la fin du dixième siècle. Le quartier du territoire où se voient ces ruines, témoins silencieux de l'héroïque abnégation des anachorètes, s'appelle Saint-Peyre (Saint Pierre) devenu aujourd'hui sur les cartes IGN Saint Peyle. Quand on a visité ces lieux solitaires, l’on comprend sans peine que des hommes résolus à fuir le monde, à se cacher aux regards de leurs semblables, pour ne vivre que sous l’œil de Dieu, aient choisi cette sauvage retraite. Là ne sauraient arriver ni les folies, ni les bruits du siècle ; là tout porte vers le ciel, depuis le spectacle grandiose et silencieux de cette nature pittoresque et sauvage, jusqu'aux cris aigus et monotones des oiseaux de proie : cris poussés de temps en temps dans les airs et répétés, dans le vallon, par les échos de la montagne.

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Photo Bruce Gacoin



Origine du nom de Valsauve

L'ensemble de cette solitude fut ainsi primitivement peuplé de pieux habitants, occupés à l'œuvre de leur salut. Ce fait devint si constant et si connu du public, et la sainteté parut si commune et si générale chez ceux qui s'établirent dans ces parages, qu'on regarda le salut comme attaché à cette terre de bénédiction ; et la voix populaire, souvent heureuse dans ses appellations, lui donna le nom précieux de Vallée du salut, Vallis salviti : Val-sauve.

D'après une autre tradition, cette vallée reçut le nom qu'elle porte, à la suite d'un événement mémorable accompli dans ce quartier.

Toutefois cette tradition ne fait connaître ni les péripéties de cet événement, ni même sa nature ; elle signale, comme fondement de son affirmation, le contraste qui existe entre le nom de Valsauve, qui signifie vallée de salut et le nom d'une vallée voisine appelée mala combe, c'est-à-dire vallée mauvaise, celle-ci venant aboutir à celle de Valsauve. Un grand danger aurait été couru dans l'une de ces vallées ; de là son nom de Malacombe ; l'on serait parvenu à se sauver en arrivant dans la vallée voisine, qui devint la vallée du salut et mérita le nom de Valsauve. La dénomination de ces deux vallées rappellerait ainsi les deux phases principales de l'événement : le péril et la délivrance. D'après cette tradition, l'établissement d'un monastère sur ce point aurait eu pour origine la reconnaissance, et serait l'expression d'un acte de gratitude envers Dieu : le couvent de Valsauve se serait élevé comme un ex-voto perpétuel.


vue aerienne

Année 1117

Année 1117. Première donation faite par le roi de France Louis VI « le Gros ».

Le roi de France donne au couvent de Valsauve, en 1117, un domaine situé dans le territoire de la paroisse Saint-Paul-de-Topian. Il possédait, dans ce petit hameau, connu sous le nom de Topian, situé non loin de Valsauve, une métairie appelée la Cabane. Il fait, aux religieuses, don de cette ferme et des propriétés qui en dépendent ; il augmente ainsi les ressources de la jeune communauté. Aujourd’hui Toupian est transformé en Gite de vacances.

Cette donation est souvent mentionnée dans les anciens papiers relatifs au monastère de Valsauve.

XIII° Siècle - Les moines restent encore quelque temps dans cette forêt
après l’installation des religieuses.

L'emplacement où s'éleva plus tard le couvent de Valsauve, bien que moins austère par son site et moins caché que Saint-Peyre, était encore assez isolé pour devenir un lieu de retraite. Des moines s'y fixèrent de bonne heure et y restèrent assez longtemps, même après l’installation des religieuses. Vers la fin du XIII° siècle, ils habitaient encore ce vallon. Ce fait est démontré par deux actes authentiques ; ils sont sur parchemin.
Nous donnons copie d'une de ces pièces. Elle est reproduite ci-après.

Année 1205. Sentence arbitrale réglant des droits de sépulture relatifs aux couvents de Valsauve et de Goudargues.

Année 1205

Le premier acte, qui établit la coexistence de religieux et de religieuses à Valsauve, est une sentence portée en 1205, au sujet d'un différend intervenu entre le couvent de Goudargues et celui de Valsauve ; voici à quelle occasion :

parchemin

Explication du texte ci-dessus :
Un certain personnage, nommé Raymond de Barjac, avait demandé, par testament, d'être enseveli dans l'église de Valsauve. Il paraît qu'il mourut à Goudargues, village situé à une distance d'environ sept à huit kilomètres de Valsauve. Goudargues possédait à cette époque un ancien couvent, fondé par Guillaume, duc d'Aquitaine, vers la fin du huitième siècle. Ce couvent était encore en pleine prospérité au treizième siècle. Les ancêtres de Raymond de Barjac avaient élu leur sépulture dans l'église de ce couvent et avaient pris leurs mesures pour la faire servir de tombeau à leurs descendants qui viendraient à mourir en deçà des rives du Gardon. Le prieur de Goudargues ce prieur s'appelait Gaucelin. (Archives ducales d'Uzès. Caisse : hommages.) Il crut devoir ensevelir le corps de Raymond de Barjac ; il basait ses prétentions sur la disposition, formellement exprimée, des prédécesseurs du défunt et sur la dignité de son couvent appartenant à un ordre plus parfait et soumis à une observance plus rigoureuse que celui de Valsauve. La prieure de Valsauve protesta.

Pierre de Castelnau et frère Radulphe, légats du Saint-Siège en France, au jugement desquels ou avait porté cette affaire, chargèrent Raymond Guillaume de la régler (Raymond Guillaume était juge et chancelier de Raymond VI, comte de Toulouse.). Le prieur de Goudargues récusa d'abord ce juge et fit appel au Saint-Siège ; il revint ensuite sur sa décision et, de concert avec le prieur de Valsauve et les religieux des deux couvents, il accepta le compromis proposé par Raymond Guillaume. L'acte de cet accord fut passé dans l'église de Saint-Théodorit de Marzanes (Saint-Théodorit était le titre de l'église paroissiale de Verfeuil et Marzanes, le nom du quartier territorial où elle s'élevait.), le 18 novembre de l’année 1205.Parmi les témoins se trouvaient Albaric, prévôt de la cathédrale d'Uzès, Dieudonné, prêtre et religieux de Valsauve, deux autres religieux appelés Brémond et Guillaume Rostang, et deux religieuses, sœur Rainalde et sœur Marie de Toulouse.

Il est évident, d'après cet acte, que des religieux et des religieuses habitaient, à cette époque, la vallée de Valsauve. La transaction nous en fait connaître quatre : deux religieux, le prieur et frère Dieudonné, et deux religieuses, sœur Rainalde et sœur Marie.

Cette situation durait encore soixante-deux ans plus tard. En l’année 1267 plusieurs tenanciers font à dame Cécile, prieure de Valsauve, hommage et reconnaissance pour des propriétés situées près de l’église paroissiale Saint-Paul-de-Topian, relevant de son monastère. Parmi les témoins de ces actes se trouvent les prêtres Jean Regord et Guillaume Nadal, moines de Valsauve, et Stéphanie de Saint-Quentin, religieuse du même couvent.

Comme dans l’acte de Tannée 1205, apparaissent encore deux religieux, les prêtres Jean et Guillaume, et deux sœurs, Cécile et Stéphanie.

Le témoignage de ces deux documents ne laisse aucun doute sur la coexistence d'une communauté d'hommes et d'une communauté de femmes, sur le territoire de Valsauve, durant le treizième siècle.

Disparition de la communauté religieuse d’hommes.

Année 1211

L'époque de la disparition des religieux, sur ce point, nous est inconnue. Néanmoins l’on pourrait, il semble, en se basant sur les données générales de l'histoire, lui assigner, sans trop de témérité, une date approximativement assez exacte.

Au commencement du XIII° siècle, le midi de la France, et le diocèse d'Uzès en particulier, eurent beaucoup à souffrir des excès commis par les Albigeois.
Des églises furent incendiées, des couvents saccagés, des prêtres et des religieux mis à mort. Une enquête officielle constata l'étendue et la gravité des dommages causés dans ce diocèse par les hérétiques.

Les privilèges nombreux accordés par le roi de France Philippe-Auguste, à Raymond, évêque d'Uzès, et mentionnés dans la charte royale de l’année 1211, ne furent, pour ainsi dire, donnés qu'à titre d'indemnité et de simple réparation. Il n'y aurait donc rien d'étonnant que la communauté d'hommes de Valsauve eût disparu sous le flot de cette tourmente, vers l'année 1209 ou 1210.

Il est vrai qu'on rencontre, encore après ces dates, le nom de certains prêtres comme appartenant au couvent de Valsauve ; à la page précédente, nous en avons mentionné deux, vivant en 1267 pendant l'administration de la prieure Cécile dont nous parlerons plus loin. Mais les prêtres que nous trouvons plus tard fixés à Valsauve, ne paraissent autres que des chapelains, chargés du service religieux de cet établissement.

Les donats.

Si des religieux formant communauté disparurent de Valsauve, cette vallée ne resta pas privée de bras virils pour cultiver les champs et défendre la demeure des religieuses. Une nouvelle classe d'hommes attachés au couvent paraît dès cette époque. C'est celle des Donats; peut être y existait-elle déjà simultanément avec les religieux ; il est probable qu'elle leur survécut.



freres donats

Les Donats, appelés aussi « donnés », étaient des personnes qui avaient quitté le monde pour se débarrasser de ses tracas, de ses peines, de ses ennuis. Ils s'enfermaient dans les couvents pour vivre dans la tranquillité, sous la protection du monastère, et participer, dans une certaine mesure, aux avantages de la vie religieuse, sans se lier, par des vœux solennels, à ses perpétuelles obligations. Ils assistaient aux principaux offices célébrés dans la chapelle de la communauté, recevaient des instructions, fréquentaient les sacrements, pratiquaient les œuvres diverses de la piété chrétienne, avec une régularité et une facilité que la vie du monde ne leur aurait jamais procurées. Ils n'avaient pas à se préoccuper du soin de l’avenir, au point de vue temporel ; le couvent avait charge d'y pourvoir, et sous le rapport spirituel, ils trouvaient dans le monastère tous les secours désirables. En retour de ces bienfaits, ils donnaient à la maison qui les avait reçus, une partie ou la totalité de leur fortune, ou consacraient à son service les talents de l'esprit ou les forces du corps dont le ciel les avait doués. C'étaient ordinairement les Donats qui s'occupaient du temporel de la communauté et qui remplissaient les offices de régisseur des exploitations agricoles du monastère ; d'autres fois leur ministère était encore plus modeste : ils étaient chargés des fonctions et des travaux domestiques, de la culture des champs, de la garde des troupeaux, des réparations des bâtiments. Sans être religieux dans toute l'acception du mot, les Donats faisaient partie de la famille monacale qui les avait accueillis.

De nos jours, plusieurs couvents possèdent, sous des noms divers, la même catégorie de personnes. Les sœurs et les frères convers ou servants, les retraités, les pensionnaires libres, qui s'enferment dans les couvents, soit d'hommes, soit de femmes, rappellent, sous des dénominations nouvelles, une antique institution ; ils représentent, sous bien des rapports, les anciens Donats.

Nous avons des preuves certaines que Valsauve possédait des donats vers la fin du XIII° siècle.

Sous l'administration de la prieure Françoise dont nous reparlerons plus loin, qui gouvernait déjà le couvent en l’année 1279, Valsauve acquit de Béatrix, épouse de Guillaume de Redortet, des propriétés situées au hameau de Colongres, près de Valsauve, et divers droits sur des terres et des maisons placées au même quartier. Ce fut le frère Pierre de Bessier, donat du couvent de Valsauve, qui passa les actes d'achat, au nom du couvent et en vertu de l’autorisation et du consentement de Françoise, prieure du monastère.

Acquisitions faites, par un frère donat du couvent de Valsauve, sous l’administration de la prieure Françoise.

Beatrix uxor Guillermi de Redorteto et ipse autorisans vendiderumt ambo simul monasterio Valis Salve duo sextaria ordei cum duobus denariis turonensibus super quasdam terras quarura due sunt ad peras, ut patet infra in suo loco, tertia vero est in roveria plana qua confrontat ab una parte cum terra Poncii Blanchi, ab alia cum terra Stephani Berengarii, ab alia cum rivo de Davegue et ab alia cum terra Guillermi Duranti. Item vendiderant duo sextaria ordei et duos denarios turonenses super mansum eorum qui est in Colongris puruni et franchum et sine aliqua servitute alicui domino facienda, cum quadam terra eorum in francho anolo, videlicet fratri Petro de Bessio, donato monasterii Valiis Salve, ibidem presenti, ementi de voluntate et assensu domine Fraincisse priorisse dicti monasterii ; qui quidem mansus confrontat ab una parte cum manso de Blanqueria et a duabus partibus cum rivo Davegue; terra vero est in cadenello, confrontat ab una parte cum alia terra dictorum venditorum, ab alia cum terra dicti monasterii, ab alia cum terra Rostagni regentis.
(Extrait d'un registre relatif au couvent de Valsauve, folio XII. — Archives de Topian.)

Au XIV° siècle nous trouvons le nom d'un autre frère du couvent de Valsauve; il s'appelait Pierre d'Argaisse. Il fut témoin, avec le prêtre Raymond Passal, d'un acte de reconnaissance faite dans le couvent par le prêtre Guillaume Abric, du lieu de Goudargues, en faveur de la prieure Marie Firmine, le 19 septembre de l'année 1314 (Le notaire qui rédigea l’acte s'appelait Guiraud Buoland. — Archives du prieuré Saint-Paul-de-Topian)

Il est probable qu'avant, aussi bien qu'après ces époques, Valsauve posséda des donats. Leurs noms se sont perdus avec les actes qui les mentionnaient. Ce que nous venons de raconter suffît pour nous prouver que le couvent de Valsauve ne fut pas dépourvu de l'utile classe des donats.

Fondation du couvent des religieuses ; il suit la règle de Cîteaux.

A quelle époque précise les religieuses formèrent-elles communauté dans cette solitude ? Il nous est impossible de le dire. Jusqu'ici nous n'avons trouvé aucun monument qui puisse nous fixer d'une manière certaine.

Au dire d'un auteur, le couvent de Valsauve aurait eu saint Bernard pour fondateur. Ce grand saint aurait ouvert lui-même cette demeure solitaire aux jeunes filles de l’Uzège et les aurait entraînées à la vie religieuse, par son exemple et ses conseils, comme, plus tard, avec sa puissante et irrésistible éloquence, il poussa les peuples à partir en croisades. Il aurait placé ces religieuses sous la règle de Cîteaux, qu'elles conservèrent toujours. La fondation d'un couvent de femmes à Valsauve remonterait ainsi au commencement du douzième siècle et pourrait dater approximativement de l’année 1112 ou 1113 (Jean Roux l'auteur de la Notice historique sur les châteaux de Verfeuil et de La Roque semble insinuer la même opinion, à la page 27 de son livre.)

Il semblerait que si le célèbre abbé de Clairvaux exerça une mission dans leur monastère, ce fut celle de réformateur et non celle de fondateur. La réputation d'éloquence et de sainteté du jeune moine était parvenue jusqu'au fond de l’Uzège, comme dans tout le reste de la France. Les religieuses de Valsauve désireuses de marcher sous la conduite d'un pareil directeur, durent lui demander des conseils. Le zèle ardent de Bernard céda à de si louables désirs ; le feu de sa parole embrasa rapidement ces âmes pieuses.

Pour persévérer dans la ferveur, elles réclamèrent et reçurent la règle de Cîteaux. Cette règle fut plus tard confirmée, peut-être même modifiée sur quelques points, par un évêque d'Uzès, comme nous l'indiquerons plus loin. Le cours des siècles put amener de nouvelles modifications et entraîner des changements considérables dans la manière de vivre des religieuses ; le souvenir de Saint-Bernard ne s'effaça jamais : jusqu'au jour où les monastères furent fermés en France, à la fin du XVIII° siècle, les religieuses de ce couvent furent appelées : les Bernardines de Valsauve.

Les rois de France, les seigneurs de la contrée, les populations voisines,
les évêques d’Uzès et les papes, protègent le couvent.
Donation faite par Guillaume de Vénéjan, évêque d'Uzès. Année 1202.

Aux XIII° et XIV° siècles, les actes relatifs à Valsauve sont plus nombreux, et nous montrent ce monastère se développant sous l'influence de diverses causes propices et prenant, de jour en jour, une importance plus considérable. Dès l'année 1202, nous voyons se produire un nouvel acte de libéralité en sa faveur : les religieuses reçoivent, à Topian, un nouveau domaine qui vient agrandir celui qu'elles tenaient du monarque, leur bienfaiteur : c'est Guillaume de Vénéjan, évêque d'Uzès, qui leur fait cette largesse.

L'évêque d'Uzès, Guillaume de Vénéjan, donne, en 1202, une autre propriété située sur la même paroisse de Saint- Paul-de-Topian, pour agrandir le domaine afin de venir au secours des religieuses de Valsauve.
Topian était un prieuré simple, placé sous le vocable de Saint-Paul; il faisait partie du territoire de la commune de Goudargues.

Cet acte, comme le précédent, est souvent invoqué lorsqu'il s'agit d'établir les droits de propriété du monastère.

Bien que nous ne possédions pas le texte de ces donations, nous avons cru devoir les signaler ici, soit à cause de leur ancienneté, qui remonte au douzième siècle, soit à cause de leur importance pour le couvent ; elles démontrent son ancienneté et l'intérêt qu'on lui portait.
(Archives du prieuré Saint-Paul-de-Topian, possédés en 1885 par M. Sabatier. Sans doute aujourd’hui aux archives départementales.)

En 1211, le roi Philippe-Auguste

Année 1211

Pour assurer, d'une manière plus certaine, la stabilité de ce couvent, il place le prieuré de Valsauve sous la dépendance directe des évêques d'Uzès, qui s'en étaient toujours montrés les protecteurs : ils pouvaient, à ce moment, lui rendre plus que jamais des services nombreux, par suite de la situation puissante acquise dans la direction des affaires publiques ; Raymond, évêque d'Uzès, à cette époque, était légat du Saint-Siège en France. Dès lors Valsauve fit partie du domaine temporel de l’évêché d'Uzès ( Archives ducales d'Uzès).

En 1217, Raymond, comte de Toulouse, seigneur du Languedoc

Il se trouvant à Avignon, donne à ce monastère une charte de sauvegarde. Il déclare prendre sous sa protection le couvent de Valsauve avec toutes ses personnes et ses propriétés.

Le roi de France, Philippe le Bel

Soixante-quinze ans plus tard, en mars 1294, Philippe le Bel, héritier du Languedoc, confirme la charte du comte Raymond de Toulouse ; il se déclare, à son tour, le protecteur de Valsauve et prend sous sa défense et sauvegarde tout ce qui appartient à ce monastère, personnes et propriétés ; en 1303, il renouvelle les mêmes privilèges.

Ces divers actes de la munificence royale nous démontrent non seulement l’existence d'un couvent de religieuses à Valsauve, mais encore le degré d'importance acquise par ce monastère dès le XII° siècle. Son développement avait attiré l’attention des souverains ; sa prospérité pouvait éveiller les convoitises iniques des méchants et les porter à s'enrichir de la fortune des religieuses, en s'emparant de leurs propriétés. C'est pour arrêter ou prévenir la rapacité et les violences de ces hommes injustes, en même temps que pour témoigner de leur dévouement envers Valsauve, que les rois de France prennent sous leur sauvegarde et sous l'égide de leur autorité souveraine ces humbles filles cachées dans la solitude.

Les souverains n'étaient pas seuls à s'occuper avec bienveillance de ce couvent ; les seigneurs de la contrée, le clergé et le peuple s'intéressaient aussi à l'accroissement de sa prospérité.

Année 1254

Les rares testaments qui nous restent des grandes familles de l'Uzège, à cette époque, nous prouvent l'affection de ces familles pour les religieuses de Valsauve. Elzéar, seigneur d'Uzès et de Sabran (qui possédait aussi le fief de St André d’Olérargues), lègue à ce monastère la somme de trente sols tournois; c'était en 1254. Quelques années plus tard, mais dans le même siècle, un autre seigneur d'Uzès, Decan, parent d'Elzéar, laisse au même monastère, par son testament du 4 juillet 1283, la somme de cent sols tournois, pour la décoration de l’église qu'on venait d'y construire.



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PARTIE I - Origine de Salsauve
Suite : PARTIE II - Histoire des Mères Supérieures à Valsauve
Suite : PARTIE III - Histoire des Abbesses à Bagnols
Suite : PARTIE IV - Le XVIII° siècle débute par un nouveau massacre à Valsauve
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